La dialectique Hygrade

Au moment où s’ouvre à Bucarest une importante réunion des pays membres de l’OTAN, on apprend que pour «accueillir» les 50 chefs d’État et de gouvernement, c’est près de 23 000 policiers, gendarmes et membres de services spéciaux qui seront déployés à travers la ville, qui a des airs de ville assiégée. Faites le compte, c’est beaucoup de sécurité par tête de pipe. Et le quidam n’a pas intérêt à fumer de travers!

Je ne vous raconte pas le menu de cette réunion : croque en jambe américain aux Russes, avec l’adhésion possible de la Géorgie et de l’Ukraine à L’OTAN, adoption d’un plan quinquennal pour l’Afghanistan qui restera secret et les comptes d’apothicaire sur l’envoi (où et combien?) de soldats pour aider le Canada à sortir de son bourbier…

Je ne discuterai donc pas de ces grandes questions, mais en profiterai pour soumettre à votre réflexion, une citation qui me semble plus d’actualité que jamais… et qui date de 1929!

En tentant de me remettre au travail concernant l’essai que je voudrais consacrer au 11-Septembre, je suis tombé sur cette citation de Freud, extrait de son ouvrage Malaise dans la civilisation, publié en 1929, donc : «L’homme civilisé a fait l’échange d’une part de bonheur possible contre une part de sécurité».

Cette phrase s’inscrit en droite ligne dans le chapitre que j’aimerais consacré à «l’industrie de la peur» qui n’a pas manqué de se développer depuis les sinistres événements du 11-Septembre. Dans mon esprit (et dans les faits) avant même de discuter de l’identité réelle des responsables des attentats, il ne fait aucun doute que tout ce qui entoure le monde de la sécurité, depuis les compagnies d’assurance aux budgets militaires en passant par les compagnies de sécurité, l’industrie militaro-industrielle ou la sécurité informatique, tous ces secteurs, sans exception, ont connu depuis septembre 2001, un essor et une croissance, pour ne pas dire, une «explosion» exceptionnels.

Il ne fait aucun doute non plus que lorsque la sécurité tourne à l’obsession, on nourrit du même coup un état de peur permanent qui, en toute logique, appelle une plus grande sécurité qui nourrira une plus grande peur, etc. Dans mon jeune temps, on appelait ça la dialectique Hygrade (du nom des saucisses) : plus de gens en mange parce qu’elles sont plus fraîches, elles sont plus fraîches, parce que plus de gens en mange.

La sécurité, ça nous tient à cœur ou est-ce que ça nous tient par les c… ?

À telle enseigne que je me permettrai d’écrire, pour paraphraser Freud : «L’homme post-11-Septembre a fait l’échange d’une part de liberté contre sa ration de sécurité maximale». Et lorsque je parle de liberté, je parle d’abord et avant tout de la liberté de penser, d’agir ou de protester contre tout ce qui se présente comme l’opinion de la majorité.

Kafka, pour décrire les joies que lui procurait la littérature, parlait de «bondir hors du rang des meurtriers» (Journal, 27 janvier 1922). Il en va souvent de la sorte lorsque l’on parle de liberté : elle se vit et s’affirme le plus souvent à l’extérieur de la meute, ou plus exactement, au moment où l’on quitte le groupe. Ce que l’on fait parfois lorsque l’on prend la peine de se retirer pour écrire.

Sur ce, je me replonge au sein de mon groupe pour entreprendre, j’espère, une belle journée de travail. Ce que je vous souhaite à tous.

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